Quels sont les profils les plus recherchés dans l’ESS et l'associatif ?
Associations, fondations, mutuelles ou coopératives ont un mal fou à trouver leurs dirigeants. Découvrez pourquoi et comment correspondre aux critères !
En France, le secteur de l’Économie Sociale et Solidaire représente 14% de l’emploi salarié et 10% du PIB¹. Ce qui ne l’empêche pas de connaître un réel problème de recrutement des cadres.
Le problème n’est certainement pas dans le nombre de candidats H/F. Quand vous recrutez pour «Le Bien», vous recevez logiquement plus de candidatures que les autres.
Le problème est que bon nombre de candidats H/F passent à côté des vraies spécificités des fonctions en question pour au moins trois raisons. Quelques solutions pourraient néanmoins permettre aux candidat.e.s de mieux appréhender ce secteur particulier.
COMPRENDRE LA RELATION ENTRE LE CONSEIL D’ADMINISTRATION ET LES SALARIÉS
"Je t’aime oh, oui je t’aime! moi non plus…" Serge Gainsbourg
Au sein des associations, employeur majeur de l’ESS, deux grands « groupes » se distinguent :
- Le Conseil d’Administration qui bénéficie du pouvoir mais, du fait qu’ils occupent généralement ce poste en tant que bénévoles, n’ont souvent pas le temps nécessaire à l’exercice de leur fonction.
- Les salariés qui ont les compétences étant donné leur implication quotidienne dans l’association mais n’ont pas le pouvoir.
Avec deux groupes au pouvoir et au temps strictement opposé… ce serait l’absence de problème qui serait une surprise ! Mais ceci n’est qu’un maigre souci comparé à ce qui vient ensuite…
Une multiplicité de motivations chez les administrateurs
"Ça sera p’t’être pas tous les jours la fête Je suis qu’un Homme j’réfléchis pas toujours avec ma tête" Orelsan
La variété des motivations des membres du Conseil d’Administration est impressionnante :
- volonté de changer le Monde,
- volonté beaucoup moins objectivable de répondre à sa propre angoisse de la mondialisation,
- volonté de statut social,
- volonté d’avoir un endroit où l’on vous laisse parler.
Et assez souvent, un humain restant un humain, un peu de tout ça chez chacun.
C’est de cette variété que naissent les décisions du CA (à l’exception notable d’un conseil qui serait fait de robots sans ego ni angoisses centrés uniquement sur une unique et commune vision pragmatique des problèmes).
Le cadre dirigeant H/F doit intégrer cette variété et de façon plus générale intégrer la gestion des relations entre ces deux groupes au cœur de sa mission. Très souvent, il nous arrive de « mettre de côté » un candidat car aucun indice sur cette capacité à prendre en compte cette réalité n’est présente dans sa candidature !
DEUXIEME SECRET : ACCOMPAGNER LES ATTENTES SOCIÉTALES DES EQUIPES
"J’ai chanté dix fois, cent fois j’ai hurlé pendant des mois, j’ai crié sur tous les toits ce que je pensais de toi, société, société, tu m’auras pas." Renaud
Lorsqu’un(e) salarié(e) rejoint le secteur de l’ESS, il apporte avec lui ses attentes en termes de projet sociétal.
Très concrètement, si un manager annonce que l’association a signé un accord avec Coca-Cola, certain(e)s – outré(e)s par ce partenariat avec ce qu’ils/elles considèrent comme le mal incarné – s’insurgeront volontiers plusieurs heures de suite dans l’open space.
Mais si le manager annonce que l’association a refusé le partenariat en question pour des raisons éthiques, d’autres viendront communiquer leur désappointement à voix haute. Leur vision étant proche du capitalisme compassionnel dans le sens américain du terme, ils considéreront que refuser l’argent de Coca Cola pour faire de belles choses représente un non-sens économique.
Une seule solution pour le manager H/F : prendre le temps AVANT l’annonce de la décision de dialoguer avec la partie des salariés qui risquent d’y voir un décalage avec leur vision du Monde tel qu’il devrait être.
Et bien évidemment tout ceci n’exclut en rien les attentes classiques de tout salarié(e) (salaire, progression, sécurité économique…)
Membre ? Salarié ? Qui suis-je ?
Une autre confusion de même origine se situe dans la confusion entre « salarié(e) » (personne payée pour réaliser un travail) et « membre » (partie prenante d’un projet politique).
Cette confusion crée un double dysfonctionnement.
1 – De la part des salariés, une volonté d’intervenir en tant que membre sur les décisions.
Concrètement, le manager demandant l’envoi urgent d’un communiqué de presse à un(e) membre de son équipe peut se retrouver devant une personne réclamant un petit débat (légitime) sur l’application d’une décision déjà votée et validée par les instances.
Le fait que nombre de salarié(e)s sont d’anciens membres ne simplifie par particulièrement pas les choses².
Pas de solution idéale sur le sujet pour le manager H/F :
Un extrême réside dans la doctrine énoncée par Jacques Chirac « je décide, il exécute », cette dernière pouvant engendrer une légère baisse de motivation.²
L’autre étant dans l’ultra démocratie participative qui revient aux fameuses dix-huit réunions avant toute décision ferme et définitive sur la couleur de la nouvelle moquette.
La solution ? Au cas par cas et entre les deux extrêmes.
2 – De la part des dirigeants, une volonté de jouer sur la confusion
Nombre d’associations connaissent ce dysfonctionnement : « tu viens bosser du lundi en vendredi en tant que salarié et le soir et le week-end en tant que membre passionné par la cause. Il est où le problème ?!»³
Le problème est résumé dans un bel ouvrage intitulé LE CODE DU TRAVAIL.
Pour information, un mail demandant à un salarié de venir en tant que membre tenir un stand sans mentionner la récupération du temps passé est ce que les avocats spécialisés en droit du travail appellent « un foutu cadeau tombé du ciel».
Là aussi, il devient compréhensible que l’absence d’indices dans les candidatures sur cette compétence (que ce soit par le parcours ou le discours) élimine un (très) grand nombre de candidats H/F.
ARBITRER EN PERMANENCE ENTRE ECONOMIQUE ET SOCIETAL
Les recruteurs de l’ESS fuient comme la peste deux extrêmes :
Le manager uniquement centré sur les résultats économiques
Il ne saisit pas l’intérêt de tous ces « trucs militants » tels que la lutte pour le respect des droits de l’homme, le respect de l’environnement ou encore d’insignifiants combats pour les droits des femmes…
Sincèrement convaincu par le projet, il préfère raisonner en termes de résultats économiques.
On peut le comprendre ! Il a passé sa carrière dans un secteur privé atteint par le proverbe américain « Ce qui n’est pas quantifiable n’existe pas ».
Cela peut tout de même occasionner quelques mésententes au sein de la structure, on vous laisse deviner pourquoi.
Le manager uniquement centré sur l’humain
Sa motivation pour venir travailler dans le secteur n’est pas issue d’une volonté de changement mais plutôt d’un désir de ne pas se salir les mains.
Ce qu’il rejette n’est pas l’entreprise (auquel cas il essaierait de la faire changer) mais la notion d’indicateurs de résultats.
Pour lui, licencier une partie des salariés est MAL. C’est pourquoi il est préférable d’attendre que la structure coule et que tout le monde soit licencié pour pouvoir accuser « le système ».
A force de repousser toute réalité économique, la structure aura une vision tronquée de sa réalité et de son état et refusera de réagir à la chute qui l’attend.
Le cadre dirigeant « idéal » saura balancer entre ces deux extrêmes, faire la part des choses et surtout, avoir les deux aspects du métier (économique et humain) en tête à chaque fois qu’il devra prendre une décision.
Pour Orientation Durable,
Jean-Philippe Teboul et Samuel Decker
¹ http://www.cncres.org/upload/gedit/12/file/observatoire/ONESS-CNCRES_cadresESS_2012.pdf
² Litote : figure de rhétorique consistant à déguiser sa pensée pour la faire deviner dans toute sa force
³ D’après le Baromètre sur la qualité de vie au travail dans l’ESS, 31% des salariés et 46% des dirigeants estiment que le travail empiète sur leur vie privée : www.associatheque.fr/fr/fichiers/divers/Resultats-Barometre-CHORUM-QVT-ESS-bd.pdf
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